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Note de Takit :
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L'histoire de l'Abattoir

L'Abattoir était autrefois une ferme d'élevage appartenant à un certain William Roche. Célèbre pour ses cochons dodus et dociles que l'on trouve souvent reniflant dans les haies, il faisait confiance à la terre, sans craindre les alligators et les bandits qui menaçaient son bétail. En 1850, Roche s'éteint paisiblement dans son lit et la délicieuse pastorale prend fin. Son beau-fils reprend la ferme. On sait peu de choses sur l'épouse de William Roche, mais elle était décédée quelques années auparavant, lui laissant la tutelle de son fils.

Peter Roche, connu sous le nom de « Young Roche » ("Jeune Roche" - NDLT), était un réformateur. Avant de s'installer à la ferme, le jeune Roche avait fait un apprentissage de boucher à la Nouvelle-Orléans, où il avait été exposé à toutes les dernières innovations de l'industrie. Il était convaincu que les abattoirs publics étaient préférables aux abattoirs privés. Traditionnellement, l'abattage du bétail se faisait dans les hangars, les dépendances et les arrière-cours. Le jeune Roche considérait cela comme démodé, ayant constaté par lui-même les avantages hygiéniques qu'il y avait à soustraire l'abattage des animaux à la vue du public.


De nombreux habitants ne sont pas convaincus ; après tout, il s'agit de gens de la campagne, qui ne sont pas hostiles aux sinistres réalités de l'abattage. Sans se décourager, le jeune Roche va de l'avant et transforme la ferme en abattoir. Un vieil ami de ses beaux-pères l'accuse de ne pas posséder les qualités essentielles de son prédécesseur : la compassion et la douceur. Il diffame le jeune Roche en déclarant qu'il ne s'intéresse qu'à l'abattage des animaux et non à leur élevage.

Le jeune Roche met à profit ses talents de boucher et connaît le succès, bien qu'impopulaire, au sein de la communauté. Pendant la guerre de Sécession, il s'aliène encore plus en fournissant l'occupation de l'Union. Il en souffrit et, en 1866, sa maison fut incendiée, prétendument pour des raisons criminelles. Ce ne sera pas la dernière fois qu'il se réveillera dans les flammes. Après la guerre, il devient un reclus. On dit que dans son isolement, il s'est gavé de morceaux de viande de premier choix, devenant immensément gros.

Le dernier coup porté au jeune Roche fut d'ordre législatif et se produisit lors de l'affaire des abattoirs de 1873. En 1869, la législature de l'État de Louisiane accorde le monopole de l'abattage à la Nouvelle-Orléans à une seule société. La ville était alors en pleine crise d'hygiène publique, la rivière étant obstruée par « des intestins et des morceaux de matières animales putréfiées ». L'effet sur la petite entreprise de Young Roche est irrévocable.


Le statut juridique de l'« Abattoir », comme on l'appelait désormais principalement, était douteux. Le conglomérat lui-même était un mastodonte qui volait des affaires à Young Roche. Un accord important conclu avec Henrik Graf, un bon client de Young Roche, fut une trahison dévastatrice.

On ne sait pas comment le jeune Roche a vécu les derniers jours de sa vie. Pendant les vingt années qui suivirent, il s'en sortit tant bien que mal. Il était considéré comme un dangereux reclus, absorbé par sa gourmandise et sa paranoïa, désireux de découper tout ce qui lui tombait sous la main...
L'histoire du Cimetierre de Blanchett

L'histoire du Cimetierre de Blanchett est la plus longue de la région et est marquée par la mort et le malheur. Des lettres indiquent que la première pierre a été posée en 1761, pendant la colonisation française de la Louisiane. Le nouvel Ordonnateur d'Abbadie, chargé de résoudre un conflit entre les confessions capucines et jésuites, écrit de Paris pour commander la construction d'une nouvelle église. Son intention était de séparer complètement les deux groupes, en demandant que l'église soit construite en dehors de la Nouvelle-Orléans. Le site choisi se trouve loin au sud des limites de la ville. La rumeur veut que l'administrateur responsable appartienne à l'une des deux confessions et qu'il ait choisi l'emplacement avec malice pour forcer l'autre à quitter la ville.

L'Ordonnateur d'Abbadie n'est jamais arrivé pour superviser la construction, ayant été capturé en route vers la Nouvelle-Orléans par des navires de guerre anglais et retenu comme prisonnier de guerre. Deux ans plus tard, en 1763, il est arrivé pour exercer les fonctions de gouverneur. Curieusement, pendant les deux années où il occupa ce poste, il ne fit aucune allusion à la construction en cours, malgré son soutien financier permanent. Le fait que les Jésuites aient été expulsés de la Nouvelle-Orléans en 1763 ne fait qu'ajouter au mystère. Le père Michel Baudouin, vicaire général des Jésuites pendant cette période, ne mentionne jamais l'église.


Quoi qu'il en soit, la structure de l'église elle-même a dû être achevée en 1765. Dans les années qui suivirent, on dispose de peu d'informations sur la taille et le caractère de la congrégation, ce qui n'est toutefois pas inhabituel pour l'époque. Bien qu'il y ait quelques références au nom de l'église St. Sebastian, celles-ci sont contredites ailleurs et il est impossible de déterminer si elles sont vérifiables.


L'église refait surface, littéralement, au début du XIXe siècle. Elle a été irrémédiablement endommagée lors de l'ouragan de 1812, lorsque de vastes étendues de terre au sud de la Nouvelle-Orléans ont été inondées de façon dévastatrice. Dans les mois qui suivent, les journaux rapportent l'histoire troublante de douze corps retrouvés dans l'église. Ils supposent que les douze personnes se sont réfugiées dans l'église pour se mettre à l'abri de la montée des eaux et qu'elles sont restées coincées pendant plusieurs semaines. Affamés, ils auraient été contraints de recourir au cannibalisme. La tragédie s'est poursuivie lorsque les hommes qui ont trouvé les corps ont péri d'une infection inconnue.

En conséquence, la zone a acquis une réputation tristement célèbre. Au fur et à mesure qu'il tombait en ruine, les inondations et les tempêtes continuaient à faire remonter les cadavres inhumés. Après l'ouragan dévastateur de 1838, tous les corps restants ont été réinhumés dans des cryptes.


Jacques Blanchett a entrepris cet acte coûteux de bienveillance publique. Blanchett était un important homme d'affaires et propriétaire de plantations à la Nouvelle-Orléans, qui s'était énormément enrichi pendant la période antebellum, et dont la rumeur disait qu'il était un descendant de l'aristocratie française (une rumeur probablement lancée par Jacques lui-même). Comme c'était la mode à l'époque, Jacques avait une appréciation romantique des ruines et tomba amoureux de l'église décrépie. C'est pour cette raison que les habitants de la région ont commencé à l'appeler « le Cimetierre de Blanchett ».
L'histoire de DeSalle Ville Haute et DeSalle Ville Basse

On pourrait penser que la séparation entre DeSalle Ville Haute et DeSalle Ville Basse est une conséquence de la géographie, que les voies d'eau ont creusé un fossé entre les deux parties de la ville. Ou peut-être une commodité administrative, la division de la ville en deux, pour mieux la gérer. La vérité est en fait plus personnelle.

C'est l'histoire de deux frères, indignes de leur héritage : les derniers d'une longue lignée de DeSalles qui ont vécu là depuis que leurs ancêtres sont arrivés sur le territoire. Le déclin constant de la fortune familiale avait naturellement entraîné la vente de la plupart des terres des DeSalle, par paquets et par parcelles, pour renflouer les finances de la famille. Cependant, à la mort de Corentin DeSalle en 1872, la ville était toujours connue sous le nom de DeSalle, avec des différences minimes entre les deux parties.

Les frères Darin et Lewis sont de fervents compétiteurs. Leurs vies ont toujours suivi des chemins différents. S'ils n'avaient pas été frères, peut-être ne se seraient-ils jamais croisés. Ou peut-être était-ce leur fraternité elle-même qui les éloignait, comme deux aimants qui se repoussent dans des directions différentes. Même s'ils le méprisaient, leur vie les avait réunis en tant que partenaires involontaires, et le projet de leur vie était d'accepter cette situation et d'en faire quelque chose.

Darin a hérité de la plupart des terres de la ville haute, Lewis de la ville basse. Darin est un propriétaire diligent et ses affaires prospèrent. Il attire des entreprises réputées. Il conserve sa participation dans la mine Kingsnake (Mine du Roi-Serpent : NDLT), dont il assure la continuité de l'exploitation, et en tire un profit appréciable. Il coopère avec la société Ash Creek Lumber (Scierie Ash Creek) pour l'abattage des bois avoisinants et, constatant l'énorme profit à réaliser dans la construction navale, devient l'un de ses principaux clients, son propre chantier naval acquérant ainsi une bonne réputation.

Lewis n'était pas aussi assidu. Il était le préféré de sa mère et, chose surprenante pour un fils cadet, il hérita de la maison familiale, la plantation Pearl. Mais ne voulant rien avoir à faire avec elle, ni avec son héritage, il la laissa tomber dans le délabrement. Au lieu de cela, il devint propriétaire du saloon et passa son temps des deux côtés du bar.
L'histoire de l'Église des Eaux Curatives

Les habitants des marais étaient essentiellement livrés à eux-mêmes, sur le plan spirituel, jusqu'à l'arrivée de l'évangéliste Ishim Gird. La population, un amalgame de Français, d'esclaves libérés, d'Allemands, d'Haïtiens, d'Irlandais et d'Espagnols, avait apporté avec elle ses propres religions et coutumes. En outre, la communauté était déjà desservie par la présence de deux églises, bien que l'une d'entre elles soit en ruine.

Gird était un évangéliste convaincu, qui a connu Port Reeker lors de ses voyages pour exercer son ministère à Fort Carmick vers la fin de la guerre civile. Il s'est curieusement épris des gens qu'il a rencontrés, trouvant qu'ils manquaient de la spiritualité fondamentale et essentielle qu'il considérait comme allant de soi ailleurs aux États-Unis. Plusieurs voyages dans la région l'ont rendu résolu dans son entreprise : sauver les âmes de ceux qui, autrement, seraient damnés.


Gird était un prédicateur doué et charismatique et avait rapidement acquis une grande popularité auprès de la population locale, mais il avait besoin d'une église pour abriter la congrégation. Un récit de l'époque l'associe à un sentiment d'« espoir », qui serait « aussi étranger à la sentimentalité des hommes d'ici que l'alphabétisation ». Il a inspiré des actes d'aumône ; les gens lui ont donné ce qu'ils avaient. Les missions de collecte de fonds à la Nouvelle-Orléans ont permis de réunir davantage de capitaux, une fois que les citadins ont été informés des conditions déplorables endurées par leurs voisins du Sud.

Gird achète des terres à la succession Blanchett, en perte de vitesse, mais se heurte à l'opposition de la veuve lorsqu'elle comprend ses intentions. Malgré cela, en 1870, l'église de Gird est construite, baptisée Healing-Waters (eaux curatives) en raison des bayous au milieu desquels elle se trouve. Gird acquiert une grande renommée en tant que pasteur. La population dit de lui qu'il a vaincu la « malédiction » de la veuve. En privé, Gird rejette cette idée, mais déclare publiquement que « la volonté de Dieu est plus forte que la malédiction d'une vieille bique ». Les habitants de la ville ont retrouvé le sens de la communauté au sein de leur assemblée hebdomadaire. Ce sentiment n'a pas duré.


Si Gird a connu un premier élan, celui-ci s'est réduit à peau de chagrin à la fin de la décennie. À l'aube de la vieillesse, il n'est plus que l'ombre de lui-même. Au fil du temps, ses sermons se sont tournés vers les dangers extérieurs auxquels la communauté était confrontée : l'industrie qui dévastait des forêts autrefois sereines, les ouragans qui déferlaient sur les terres. Puis, il s'est intéressé aux péchés de sa congrégation : l'avidité, l'orgueil, la gourmandise et d'autres péchés capitaux. Il devint obsédé par le péché, les démons qui s'y cachaient et le feu et le soufre qui attendaient tout le monde.

Ses disciples ne sont plus que les plus dévots et les plus loyaux. Il s'est isolé du monde extérieur. Beaucoup spéculèrent sur les causes de son déclin, suggérant qu'il en était venu à regretter l'argent qu'il avait investi et l'isolement du marais. D'autres se demandèrent s'il n'avait pas tenté d'échapper à un passé sombre qui l'avait rattrapé. D'autres pensaient que la malédiction de la Crone avait eu raison de lui, d'une manière invisible. D'autres encore pensaient qu'il s'agissait simplement de quelque chose dans l'eau...

L'histoire de Fort Carmick

Dans les années qui ont suivi la bataille de 1812, le gouvernement américain s'est lancé dans un ambitieux programme visant à mieux fortifier et protéger ses eaux territoriales. Dans les derniers jours de la guerre, les Américains avaient triomphé lors de la bataille de la Nouvelle-Orléans, mais au prix d'un trop grand risque. L'insuffisance des défenses côtières avait permis aux Britanniques d'atteindre et de prendre d'assaut les fortifications de la Nouvelle-Orléans.

Afin d'éviter qu'un tel scénario ne se reproduise, un réseau défensif de forts et de batteries a été mis en place à des endroits clés des lacs et cours d'eau environnants. Ceux-ci devaient dissuader les puissances étrangères hostiles d'attaquer et réduire à l'impuissance les efforts de ceux dont l'ambition était inébranlable.

L'un de ces sites accueille aujourd'hui Fort Carmick, nommé en l'honneur de Daniel Carmick, officier du corps des Marines des États-Unis et héros de la bataille de la Nouvelle-Orléans. Bénéficiant d'une vue imprenable sur les cours d'eau environnants et de l'appui-feu d'une batterie parallèle, Fort Carmick est capable de projeter sa puissance sur une vaste étendue de territoire.

La tranquillité d'esprit dont jouissaient ceux qui vivaient à l'ombre de Fort Carmick a été ébranlée pendant la guerre de Sécession. Après la chute de la Nouvelle-Orléans aux mains de l'Union en avril 1862, les forces confédérées se sont retirées en remontant le Mississippi vers Bâton Rouge, laissant isolées bon nombre de leurs fortifications côtières. Plus tard en 1862, le fort fut arraché aux Confédérés au cours d'un siège bref et sanglant.


Le fort est resté aux mains de l'Union pendant le reste de la guerre. Son emplacement sûr a permis l'expansion des usines sidérurgiques et des arsenaux voisins, équipant l'Union pour ses campagnes en Louisiane et dans le Mississippi. En temps de paix, il devint un important bastion du pouvoir fédéral pendant la Reconstruction.

Cela a apporté la prospérité à la région. L'industrie militaire a permis l'arrivée des chemins de fer plus rapidement qu'ailleurs en Louisiane. Cela a élargi les horizons commerciaux pour toutes sortes d'autres entreprises locales, un effet qui s'est intensifié lorsque les changements géographiques ont entraîné l'envasement et le manque de profondeur de la rivière ; l'endroit se serait asséché sans la bouée de sauvetage qu'est le chemin de fer.

Mais le fort, et par conséquent le chemin de fer, n'ont pas apporté que de la richesse. Un ancien camp de prisonniers de guerre situé à proximité du fort a été transformé en pénitencier. Les traditionalistes qui se méfiaient de l'industrie avaient raison de dire que les criminels étaient amenés par les wagons.

Le fort Carmick n'a plus d'utilité et se trouve aujourd'hui à l'abandon. Les temps de paix l'ont rendu superflu et, après la fin de la Reconstruction, il n'était plus nécessaire d'avoir une garnison. Les changements géographiques de la rivière avaient sapé l'utilité de sa position. Par la suite, de nombreux ouragans l'ont frappé, causant des dommages structurels irréparables. Le fort a été discrètement démantelé en 1885, et on l'a laissé s'enfoncer dans la boue. Les habitants de la région s'efforcent toujours de gagner leur vie, méfiants à l'égard du fort qui a construit leur ville et les a condamnés à l'insignifiance.
L'histoire de Port Reeker

Bien que Port Reeker soit la plus grande colonie à des kilomètres à la ronde, peu de choses sont enregistrées à son sujet. Pour ne rien arranger, les témoignages dont nous disposons sont en contradiction flagrante avec les statistiques et les chiffres officiels. Des comparaisons ont été faites avec Manila Village et Saint-Malo, ailleurs dans le sud de la Louisiane. Il s'agit surtout d'exagérations, car Port Reeker n'était pas isolé au même degré, bien qu'ils aient en commun des légendes fondamentales : Des pirates philippins qui ont renversé leurs maîtres espagnols et se sont installés dans les marais.

Que cela soit vrai ou non, au milieu du XIXe siècle, une importante population créole vivait dans la ville, mentionnée par de nombreux commerçants. Même si la ville n'était pas vraiment prospère, un certain nombre de personnes étaient capables de gagner leur vie en pêchant et en vendant leurs marchandises à la Nouvelle-Orléans.


Plusieurs histoires circulent sur la façon dont l'endroit a été baptisé « Reeker ». Certains suggèrent qu'il a été nommé en l'honneur de James Reeker, qui a fondé la ville actuelle. Cependant, il n'existe aucune trace officielle de cet homme. D'autres évoquent une légende locale. En 1795, une carcasse de baleine gonflée s'échoue dans le port. En se décomposant, elle dégage une odeur nauséabonde et accablante. Nombreux sont ceux qui ne savent pas comment elle a pu s'échouer là. Fait inquiétant, tout au long de l'été, d'autres carcasses ont dérivé vers le rivage. On dit que l'odeur a persisté tout au long de l'hiver.


Pendant la guerre de Sécession, les échanges avec Port Reeker ont pratiquement cessé, la ville s'étant volontairement isolée de l'ensemble du conflit. C'est après la guerre, pendant la Reconstruction, que la ville a commencé à prospérer. L'embouchure du Mississippi avait un faible tirant d'eau et était souvent infranchissable pour les navires. Parfois, faute de mieux, les cargaisons passaient par Port Reeker.

Cela a attiré l'attention d'Henrik Graf sur le port. Homme d'affaires, Graf était désireux de saisir toutes les opportunités qui s'offraient à lui. En 1877, James Buchanan Eads libère le Mississippi et Port Reeker est confronté à une crise. Graf achète les entrepôts de marchandises et construit sa propre usine de transformation. La logique est bonne, car la main-d'œuvre est bon marché dans le bayou, d'autant plus que les habitants n'ont pas grand-chose d'autre à se mettre sous la dent.


Graf préférait rester dans l'ombre, être un orchestrateur plutôt qu'un bâtisseur d'empire. Pour toutes ses acquisitions, il préférait conserver la marque locale et familière. Pour certains, cela a suscité des soupçons : pourquoi éviterait-il d'être le fer de lance de ses propres entreprises ? Sa réponse a toujours été la même : préserver et honorer le caractère et les coutumes locales.

Les affaires prospèrent jusqu'à la panique de 1893. Graf, un spéculateur financier passionné, a perdu des milliers de dollars. On dit que cela a profondément affecté son caractère. Il imposa des conditions de plus en plus dures à sa main-d'œuvre, ce qui poussa beaucoup d'entre eux à quitter Port Reeker. Ils rapportèrent à la Nouvelle-Orléans les récits d'un homme triste et dément qui ne reculait devant rien pour récupérer la richesse qu'il avait perdue...
L'histoire de la Scierie Reynard

« De grandes lianes pendaient des grands arbres qui ombrageaient les rives et se croisaient de cent, voir mille, façons pour empêcher le passage du bateau et retarder sa progression, comme si le diable lui-même y était mêlé. » -Histoires étranges et vraies de Louisiane par George W. Cable (1890)

« Les heures les plus agréables que j'ai passées à la Nouvelle-Orléans ont été, de loin, celles où j'ai exploré avec mes enfants la forêt près de la ville. C'était notre première promenade dans 'les forêts éternelles du monde occidental' et nous nous sentions plutôt sublimes et poétiques ». -Domestic Manners of the Americans de Frances M. Trollope (1832)


Les anciennes forêts de Chypre qui bordent les bayous et les marécages de Louisiane ont enchanté des générations d'écrivains : leurs bosquets ombragés à la fois menaçants et mystiques et leurs labyrinthes inquiétants faits de mousse et de vigne. On raconte que, dans les derniers jours de la veuve Blanchett, elle était connue pour errer seule dans les bois, silhouette délaissée arpentant les sentiers anciens, en communion avec les troncs anciens qui la protégeaient du soleil.

Les jours de la forêt étaient comptés. Tout au long du XIXe siècle, les États-Unis sont devenus une puissance mondiale qui a besoin d'une marine puissante pour s'imposer. Cette marine avait besoin de bois et, vers la fin du XIXe siècle, les réserves du Midwest et du Nord-Est approchaient de l'épuisement. C'est alors que l'œil indiscret de l'industrie a fixé son regard sur les riches forêts vierges de Louisiane.

La politique de déforestation s'appelait « couper et partir ». Les chypriotes ont été abattus par dizaines. Les cours d'eau dans lesquels ils avaient puisé pendant des siècles ont eu raison d'eux : les troncs coupés ont été transportés par flottage en très grand nombre, recouvrant parfois des lacs entiers.

De nouvelles infrastructures sont nécessaires pour transporter cette véritable manne. Les chemins de fer permettent à l'industrie d'accéder à des terres jusqu'alors vierges. Des moulins sont construits, et les régions qui les entourent sont vidées de leur bois. Lorsque les réserves locales sont épuisées, les machines sont déplacées vers un nouvel emplacement et le bâtiment de la scierie est laissé à l'abandon comme une vieille carcasse.

Reynard's Mill & Lumber s'efforça de faire de même. L'ouragan de 1893 retarde considérablement sa construction, mais moins d'un an plus tard, il est opérationnel et effectue le travail rentable de dévastation de l'ancienne forêt. Reynard, un bûcheron expert des Appalaches, est invité par Henrik Graf à apporter son expertise, en échange du prestige d'avoir le moulin à son nom.

L'année d'exploitation du moulin fut difficile. Les pêcheurs locaux se sont montrés réticents face à la complexité de l'équipement industriel et, en fin de compte, on a fait venir un grand nombre de travailleurs de l'étranger pour abattre les arbres et les transformer en bois d'œuvre. Graf considérait même qu'ils travaillaient trop lentement et cherchait désespérément des moyens expérimentaux d'augmenter leur productivité. Leur travail aurait été irrévocable s'il n'y avait pas eu le désastre qui s'est abattu sur la population humaine de la région...





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